mardi 31 mai 2016

30 mai – Hermiston (Oregon)

La nuit de dimanche fut confortable, même sans chaufferette. Et oui, nous sommes dans la section des tentes et pas d’électricité pour les vrais campeurs, juste beaucoup de convivialité. Nous déjeunons à l’extérieur et comme nous sommes près des toilettes, tout le monde nous salue et ceux qui connaissent l’Ontario viennent jaser avec nous.

Nous quittons le camping tard car Georges et Judy viennent nous visiter et nous parlons de voyages et de nos vies respectives.  Georges est un militaire à la retraite, malgré son jeune âge, qui a fait la guerre en Irak pendant un an. Il en a gardé quelques séquelles physiques.  Judy est diététiste en pédiatrie. Depuis quelques années, les hôpitaux de l’état de Washington ont aboli les fonds de pension. Je demande à Judy si les employés ont fait la grève et elle me dit que non, qu’ils n’avaient pas le choix. Est-ce que ça s’en vient chez nous aussi cette tendance?

Nous reprenons la route vers l’ouest, vers 10h30, toujours par la route 12. C’est un paysage montagneux sans arbre, qui fait serpenter la route. A un détour, les éoliennes apparaissent au haut des montagnes.   Près de Pasco, d’immenses champs de vignes bordent la route de chaque côté. Nous pouvons lire « Snake River Vineyard ». Il faudra goûter à ce vin au cours de notre voyage. 


Nous nous arrêtons au Hat Rock State Park pour la nuit avec l’intention de faire quelques randonnées dans les sentiers. Surprise! Ce state park n’a pas de camping. Il y a un grand parc sur le bord de l’eau et beaucoup de tables de pique-nique.  Comme nous avons vu un camping privé de l’autre côté de l’entrée du parc, c’est là que nous nous installons.  Les gens semblent y être installés pour l’été, nous sommes les seuls nomades.  Le bon côté des choses, c’est que nous avons accès au WIFI à partir de notre site et je peux faire quelques réservations pour notre séjour en Alaska et payer nos comptes.

En après-midi, nous allons marcher dans le parc, attirés par ce chapeau qui orne la montagne.  Il fait chaud et la marche est lente.  Au bout de 45 minutes, nous sommes de retour.  Après souper, j’y retourne seule, car je me doute bien que la lumière du soleil couchant  rendra hommage à ce beau chapeau. Je me perds un peu en revenant et puis apercevant les chevaux que j’avais vus en après-midi, je suis rassurée et j’arrive au camping où Serge m’attend. 

Hat Rock en après-midi
Hat Rock en soirée
Le long d'un sentier au coucher du soleil
Aujourd’hui nous délaissons Lewis et Clark. Vous les retrouverez demain, lorsqu’ils traverseront les Cascades du Columbia, au même moment où nous les visiterons, deux cents ans plus tard. 

lundi 30 mai 2016

29 mai – Lewiston (Idaho)

Notre premier arrêt ce matin est au site historique de « Canoe Camp » sur le bord de la rivière Clearwater à Orofino. C’est à cet endroit que Clark établit son camp en 1805 pour construire des canots, avec l’aide des indiens Nez Perce, afin de pouvoir continuer leur route jusqu’au Pacifique. Nous reprenons ensuite notre route le long de Snake River. 

Le long de Snake River

A une soixantaine de kilomètres d’Orofino, nous nous arrêtons au « Nez Perce National Historical Park ». Ce parc est situé dans la réserve indienne des Nez Percés et nous fait revivre les années d’abondance et de malheur de ce peuple.

L’acquisition de chevaux dans les années 1700 augmenta leur mobilité, leur permettant de se rendre dans les régions du Montana où se trouvaient les bisons et sur les lieux de pêche du fleuve Columbia.  Au cours des années 1800 la culture des Nez Percés subit de profonds changements lorsque les explorateurs, les marchands de fourrure, les missionnaires, les soldats, les colons  et les chercheurs d’or arrivèrent.  En 1855, les Nez Percés signèrent un traité qui créa une large réserve. Cependant en 1863, à la suite de la découverte de gisements d’or sur la réserve, les colons et mineurs forcèrent l’établissement d’un nouveau traité qui réduisit la réserve  à un dixième de son territoire original. S’en suivit la guerre des Nez Percés en 1877 qui se conclut par la relocalisation des Nez Percés ayant survécu, dans les territoires indiens en Oklahoma. Les dernières années du 19e siècle et les années du début du 20e siècle furent difficiles pour les Nez Percés car ils furent forcés d’adopter les valeurs et la culture des blancs. Leur langue et leurs coutumes furent bannies dans les écoles et lieux publics. Aujourd’hui les Nez Percés vivant dans les réserves et dans les villes à travers les États-Unis partagent et font revivre leur héritage culturel qui fait d’eux le peuple Nez Percé. 


Les montagnes sans arbres de l'Idaho

Photo d'enfants Nez Percé

Cimetière des Nez Percés
Ce soir, nous campons au Hells Gate State Park à Lewiston. Comme c’est la longue fin de semaine du Memorial Day, le camping est plein. Une chance que nous avions une réservation. Nos voisins sont Georges et Judy de l'État de Washington, un couple très sympathique avec qui nous avons beaucoup d'affinitié. 

En descendant le fleuve Columbia, 8 octobre au 7 décembre 1805
Pendant que l’expédition avançait rapidement sur la rivière Clearwater, Lewis récupérait de son combat de deux semaines avec la dysenterie. Le 13 octobre, l’équipage arriva à un très long rapide où l’eau était confinée dans un canal de 20 mètres entre des rochers sur une distance d’un mille. Il aurait été sage de faire du portage, mais les capitaines et les hommes voulaient continuer. Lewis, avec deux canots, descendit le rapide. Les autres suivirent et passèrent ce dangereux rapide sans dommage. Old Toby fut si apeuré par le passage des rapides qu’il se sauva cette nuit-là, sans attendre sa paie. Old Toby prit deux chevaux de l’expédition et chevaucha au-delà de Lolo Trail jusqu’au village de Cameahwait sur la rivière Lemhi. 


Le 13 octobre, l’expédition atteignit la rivière Snake qui arrivait par le sud. Ils campèrent sur le site de la ville actuelle de Lewiston, Idaho. Les hommes achetèrent des chiens et du poisson séché des indiens locaux. Clark écrit, « Tous les hommes ont un avantage sur moi car ils se délectent de la chair des chiens. » Le jour suivant, le malheureux Clark tua quelques canards et a pu écrire, « Pour la première fois depuis trois semaines, j’ai eu un bon souper.

Le long de la rivière, l’expédition passa de nombreux villages indiens. Les natifs étaient membres de la grande nation des Nez Percés, de loin la plus grande et la plus puissante tribu au nord-ouest du Pacifique. Le fleuve Columbia et la rivière Snake sur lesquels ils vivaient produisaient plus de saumons qu’aucune autre rivière dans le monde. Un homme pouvait tuer une centaine de saumons par jour. Les indiens étaient hospitaliers, en partie parce que Twisted Hair et un autre chef Nez Percé, nommé Tetoharsky, arrivaient avant l’équipage pour rassurer les familles que les hommes blancs étaient amicaux, et aussi parce que Sacagawea et son enfant voyageant avec une groupe d’hommes étaient un gage de paix.

Lewis était déchiré entre le désir de continuer à avancer et le besoin d’amener les Nez Percés dans le giron américain. Il n’était pas en territoire américain. Ni les États-Unis ni l’Angleterre n’avaient établi leur souveraineté sur le nord-ouest du Pacifique. Les deux pays avaient une sorte de revendication, comme la Russie et l’Espagne. Mais Lewis et Clark étaient les premiers hommes blancs à entrer dans les états actuels de l’Idaho, de Washington et de l’Oregon.  Pour amener les différentes branches des Nez Percés à participer activement au grand système du commerce américain, Lewis pratiqua sa diplomatie habituelle auprès des indiens, autour des feux de camp sur les berges des rivières.


Le 15 octobre, Lewis prit une longue marche le long de la rivière et vit au loin une chaîne de montagnes qui ne pouvait être que les Cascades. Le jour suivant, l’expédition arriva à la jonction du fleuve Columbia; ils étaient les premiers hommes blancs à voguer sur ce fleuve à l’est de la chaîne des Cascades. Maintenant, les signes que le Pacifique ne pouvait pas être éloigné étaient partout. La proximité de l’empire commercial à l’ouest était apparente à voir les objets que les natifs possédaient, tels que des couvertures rouges et bleues et une veste de marin. 

dimanche 29 mai 2016

27, 28 mai – Lolo National Park (Montana), Orofino (Idaho)

Vendredi fut une journée sans découverte ou presque. Après un peu de magasinage à Missoula, Serge a de nouveaux souliers et moi un manteau plus chaud en duvet, nous prenons la route 12 qui traverse Lolo National Park. Nous nous arrêtons au site historique Travelers’ Rest où les hommes de l’Expédition s’arrêtèrent pour camper en septembre 1805 après avoir traversé la « Lost Trail Pass » sous la neige. Ils furent tellement bien accueillis par les indiens Salishs qu’ils s’y arrêtèrent à nouveau lors de leur voyage de retour en juillet 1806. De nos jours, les archéologues ont découvert en ce lieu quelques artefacts et une tranchée qui a servi de latrine à l’Expédition.

Tipi à Travelers' Rest
Après avoir passé Lolo Hot Spring où le camping n’était pas très invitant, nous nous arrêtons à Lee Creek Campground, un autre camping sans électricité ni douche, mais combien joli avec ses sites boisés sur emplacements pavés et cela pour $10. La seule chose qui manque, c’est la chaleur, il fait à peine 15 °Celsius. Oui, je sais, il fait 28 à 30 degrés chez vous en Ontario et au Québec. Vous n’avez rien à envier au sud. Nos voisins, les chiens de prairie, sont tellement timides qu’ils entrent dans leurs trous au moindre bruit.

La nuit a été fraîche, à peine 2° Celsius. Nous aimons tellement ce camping que nous lui pardonnons de ne pas avoir l’électricité.

Samedi matin, quelques kilomètres après avoir quitté le camping, nous arrivons en Idaho et nous nous arrêtons au Lolo Pass Visitor Center. C’est là que nous apprenons que nous devons reculer nos montres d’une heure car nous sommes maintenant à l’heure du Pacifique.  Par un chemin de terre, nous nous rendons à l’endroit où Lewis et Clark et les hommes de l’Expédition ont campé, le 13 septembre 1805, sur le bord de Glade Creek, après avoir traversé la Lolo Pass. Il y a encore de la neige dans le sous-bois, nulle doute qu’il en fut de même en septembre 1805. 

Sur le bord de Glade Creek
Nous continuons notre route vers l’ouest  le long de la rivière Lochsa. Nous cherchons les Hot Springs Jerry Johnson qui, selon Google Map, se trouvent à 40 kilomètres du camping Lee Creek.  Les kilomètres sont déjà écoulés et toujours pas signe des Hot Springs. Nous voyons un pont suspendu au-dessus de la rivière et décidons d’aller faire une ballade de l’autre côté de la rivière.  Nous marchons pendant 40 minutes et tout à coup nous voyons des gens accroupis dans des mares d’eau fumantes. C’est donc ça les Hots Springs Jerry Johnson! Pas étonnant que le GPS ne les trouvait pas.  Les habitués de la place nous disent que c’est un prospecteur qui les a trouvés par hasard. 

Le pont menant à Jerry Johnson Hot Springs
Le long de la Lochsa River

L'eau était vraiment trop chaude, un pied à la fois me suffisait
Toujours en longeant la rivière Lochsa, nous voyons des groupes de rafteurs descendre la rivière en pneumatiques, en kayaks et en genre de mini-catamarans. Du haut d’un pont suspendu, en compagnie de plusieurs spectateurs, nous les regardons manœuvrer dans les rapides avec dextérité. C’est loin de nos petits voyages en kayak à la Baie Georgienne.

Des rafteurs sur la rivière Lochsa




Nous arrivons au RV Park Clearwater Crossing, très bien situé sur le bord de la rivière Clearwater à Orofino. Nous avons tous les services, des douches et une buanderie qui nous sont très utiles aujourd’hui.  Il fait tellement beau que nous cuisinons et mangeons à l’extérieur ce soir, tout en imaginant Lewis et Clark passer sur la rivière.  

Sur le bord de la rivière Clearwater, des burgers au bison pour souper

Au-delà des Bitterroots, 1er septembre au 6 octobre 1805
L’expédition partit tôt le 1er septembre montant vers la ligne continentale dans une région où il n’y avait aucun sentier indien, en suivant le guide Shoshone que les capitaines appelaient Old Toby. La région était si isolée que même deux siècles plus tard, elle demeure aussi inhabitée.

Le 3 septembre, il neigea. Il n’y avait aucun gibier dans les montagnes à l’exception de quelques rares perdrix. Les hommes mangèrent donc le lard salé qu’il leur restait. Finalement, ils arrivèrent à la ligne continentale qu’ils suivirent sur quelques milles, le long de la frontière actuelle de l’Idaho et du Montana.  Puis, ils commencèrent leur descente vers la vallée Bitterroot. Le lendemain, ils descendirent abruptement vers une rivière, appelée de nos jours Bitterroot River.  Ils y rencontrèrent une bande d’indiens Salisihs qui possédaient environ 500 chevaux.  Les Salishs étaient amicaux. La présence d’Old Toby aida sans doute à faciliter les choses, les Salishs étant amis avec les Shoshones. En vérité, cette bande allait rejoindre Cameahait et son peuple aux Three Forks.

Bien que leurs provisions étaient aussi minimes que celles des hommes de l’expédition, ils partagèrent avec eux leurs baies et leurs racines.  Ils échangèrent aussi quelques chevaux, à un meilleur prix que les Shoshones demandaient. Les capitaines en achetèrent treize en échange de quelques articles de marchandise.

Le 6 septembre, les hommes allégèrent le fardeau des chevaux Shoshones en transférant l’excès sur les chevaux Salishs, puis repartirent en longeant la rivière Bitterroot. Au cours des trois jours suivants,  la descente de la vaste vallée Bitterroot fut relativement facile, mais tout en marchant, les capitaines et leurs hommes regardaient à leur gauche les sommets enneigés des montagnes Bitterroots. Ils allaient devoir les traverser. Comment ? Ils pouvaient à peine l’imaginer.

La nuit du 9 septembre, les hommes campèrent à la jonction d’un ruisseau venant de l’ouest (aujourd’hui Lolo Creek). Old Toby informa Lewis qu’à partir de cet endroit, ils quitteraient la rivière Bitterroot et continueraient tout droit vers l’ouest, au-delà de Lolo Creek et ensuite vers les montagnes.   Le matin du 10 septembre, Lewis envoya tous les hommes à la chasse. Ils revinrent avec 4 cerfs, 1 castor et 3 perdrix. Et encore plus chanceux, le soldat Colter revint avec trois indiens d’une tribu qui vivait de l’autre côté des montagnes; c’était fort probablement des Nez Percés. Ils poursuivaient une bande de Shoshones qui leur avaient volé 21 chevaux. L’un d’eux accepta de rester avec les Américains et de les conduire à sa tribu qui résidait dans une plaine, de l’autre côté des montagnes, sur la rivière Columbia.  La meilleure nouvelle fut que l’indien lui dit que ça prendrait cinq nuits ou six jours de voyage pour atteindre son village. 

Durant la nuit du 10 au 11 septembre, deux chevaux s’égarèrent et ne furent pas retrouvés avant 3:00 p.m. Ce délai coûta cher à l'expédition; l’indien qui s’était porté volontaire pour guider l’expédition à son peuple, s’impatienta et repartit.  Le lendemain, c’était au tour du cheval de Lewis de s’égarer. Celui-ci resta en arrière pour le chercher tandis que Clark continua la marche avec les hommes.  Clark attendit Lewis sur les lieux de sources chaudes (aujourd’hui, Lolo Hot Springs). Si les informations de l’indien étaient exactes et si le chemin continuait à être aussi nivelé et large, dans quatre jours l’expédition aurait traversé les Bitterroots.

Mais le 14 septembre, il plut, grêla et neigea. Pire encore, Old Toby se perdit. Le sentier des Nez Percés suivait la ligne de crête, au nord de la rivière Kooskooskee, mais Old Toby conduisit les hommes plus bas, à un camp de pêche sur la rivière. Les indiens avaient campé là récemment et leurs chevaux avaient mangé tout l’herbe; malchance pour l’expédition. Le chemin était extrêmement mauvais, jonché d’arbres morts. Le temps que les hommes établissent leur camp, eux-mêmes et leurs chevaux étaient exténués et affamés. Comme les chasseurs n’avaient pas été chanceux, ils durent tuer un poulain pour se nourrir. 

Le 15 septembre, l’expédition continua à suivre la rivière Kooskooskee pendant quatre milles, où Old Toby reconnut son erreur et dirigea les hommes vers le côté nord de la rivière, en direction de la ligne de la crête. La montée était très raide et encore une fois jonchée d’arbres morts. Plusieurs chevaux glissèrent et tombèrent. Quand l’expédition atteignit la ligne de crête, il n’y avait pas d’eau; les hommes utilisèrent la neige et firent de la soupe avec les restants du poulain tué le jour précédent.

Le 16 septembre fut le pire jour pour l’expédition. Il commença à neiger trois heures avant l’aube et continua ainsi toute la journée, amoncelant une épaisse couche de neige. Clark marchait en avant pour trouver le sentier. Au passage, la neige qui recouvrait les pins tombaient sur les hommes. Dans son journal, Clark a écrit « J’ai été mouillé et j’ai eu froid dans toutes les parties de mon corps, comme je n’ai jamais été dans ma vie. » L’expédition avança de 13 milles cette journée-là. Les capitaines ordonnèrent qu’un second poulain soit tué pour le repas du soir. 

Les membres de l'Expédition à Lolo Pass
Les chevaux, presque morts de faim, s’évadèrent durant la nuit, à la recherche d’herbe. Cela prit aux hommes tout l’avant-midi pour les ramener; l’expédition put finalement repartir vers 1:00 p.m. Ils campèrent dix milles plus loin.  Pour souper, un autre poulain fut tué; c’était le dernier du troupeau.  Le matin suivant, les capitaines décidèrent que Clark et six chasseurs iraient de l’avant pour chasser et envoyer des provisions à l’expédition qui suivrait sous les ordres de Lewis.

A la première lueur du jour, le 18 septembre, Clark partit avec ses chasseurs, tandis que Lewis quitta vers 8:30 a.m.  Il marcha 18 milles et campa près d’une montagne abrupte. Les hommes se partagèrent une maigre portion de soupe en boîte. Le matin suivant, l’expédition se mit en route au lever du soleil. Six milles plus loin, la crête se termina (aujourd’hui Sherman Peak) et ils découvrirent une large prairie s’étendant vers le sud-ouest. Il y avait une fin aux montagnes, après tout !

Lewis pressa le pas. Le chemin était excessivement dangereux, étant seulement un étroit sentier de roches sur le côté d’un profond précipice.  Tard dans l’après-midi, un cheval tomba et roula avec sa charge à dix mètres près d’un ruisseau. Les hommes pensaient tous que le cheval était mort mais, à leur grand étonnement, quand sa charge fut enlevée de son dos, il se releva à peine blessé.

Le jour suivant, au bout de deux milles de marche, Lewis eut une agréable surprise. Clark avait rencontré un cheval, l’avait tué et suspendu la viande pour eux. Les hommes prirent un copieux repas qui remplit enfin leurs estomacs affamés. Tout en mangeant, Lewis réalisa qu’il manquait un des chevaux. Celui-ci transportait des articles de grande valeur pour lui, ses vêtements d’hiver. Il envoya le soldat Lepage à sa recherche qui ne le trouva pas.  Il envoya ensuite deux de ses meilleurs hommes à sa recherche et continua sa route.  Ce soir-là les hommes finirent de manger le cheval que Clark leur avait fourni. Ce n’était pas beaucoup, mais autour du feu, gelé, affamé, épuisé et misérable, Lewis trouva l’énergie pour écrire des notes scientifiques dans son journal, décrivant la faune et la flore rencontrées les derniers jours.

Le 21 septembre, Lewis ne put repartir avant 11:00 a.m. parce que les chevaux devaient être regroupés et le cheval égaré avec ses vêtements être ramené.  Après avoir parcouru cinq milles, Lewis arrivant au camp de Clark que celui-ci avait surnommé « Hungry Creek, parce qu’à cet endroit nous n’avions rien à manger. » Six milles plus loin, Lewis arriva à un endroit plat où il y avait suffisamment de nourriture pour les animaux et décida de camper là.  Les chasseurs tuèrent quelques perdrix et Lewis un coyote lesquels avec quelques écrevisses fournirent un bon repas aux hommes.

Le lendemain matin, ils rencontrèrent le soldat Field, un membre de l’équipe de Clark, envoyé rejoindre Lewis avec quelques poissons séchés et des racines obtenus des Nez Percés.  Field dit qu’il y avait un village indien sept milles plus loin. Clark avait établi un contact amical avec eux et avait pu obtenir de la nourriture. C’était d’excellentes nouvelles et les poissons et les racines purent satisfaire leurs appétits.  Après avoir mangé, l’équipe de Lewis se rendit au village indien. L’expédition avait parcouru 160 milles depuis Traveler’s Rest, onze jours plus tôt. C’était une des plus grandes marches forcées de l’histoire de l’Amérique.  Un leadership exceptionnel avait rendu possible le triomphe sur les Montagnes Rocheuses. Lewis et Clark avaient soudé le corps expéditionnaire en une famille solide et superbement disciplinée et avaient réussi à garder le moral de leur troupe.

Clark s’était rendu au village indien suivant pour obtenir plus d’informations des Nez Percés et revint en soirée. Il informa Lewis que ses chasseurs avaient été très malades à manger trop de racines et avertit les hommes de ne pas en manger trop.  

Clark était accompagné par Twisted Hair, un chef Nez Percé dans la mi-soixantaine qu’il décrivit comme étant joyeux et sincère. Clark était le premier homme blanc que la plupart des Nez Percés rencontraient.  Clark informa Lewis qu’il y avait deux villages dans la région et que les femmes indiennes récoltaient une grande quantité de racines de camas avec lesquelles elles fabriquaient une sorte de pain. Il dit aussi que Twisted Hair lui avait tracé, sur une peau de cerf, la carte de la région à l’ouest.  Twisted Hair leur indiqua que le ruisseau près du village se déversait dans la rivière Clearwater qui était rejointe par une rivière venant du nord-est et ensuite coulait vers l’ouest pour rejoindre le fleuve Columbia. Le voyage pour se rendre au Columbia prenait 5 jours et celui pour se rendre aux chutes du Columbia un autre 5 jours.

Au bout de deux jours, les Nez Percés indiquèrent qu’ils ne nourriraient plus les membres de l’Expédition gratuitement. Les capitaines échangèrent quelques articles de leurs bagages pour des racines, des baies et des poissons séchés. 

Les avertissements de Clark à l’effet de ne pas trop manger de racines étaient plus faciles à donner qu’à suivre.  Les hommes s’en gorgèrent et furent malades, Lewis particulièrement. La plupart furent malades durant une semaine, la dysenterie causant de graves diarrhées et vomissements. Clark leur donna des « Rush’s Pills » qui étaient en réalité un puissant laxatif inventé par un certain Dr. Rush, ce qui était probablement la pire chose qu’il pouvait faire. Le jour suivant, 24 septembre, Lewis était tellement malade qu’il pouvait à peine chevaucher sur un cheval gentil… Plusieurs hommes étaient en si mauvais état qu’ils devaient parfois s’étendre sur le bord de la route. Mais Clark était persistent et distribuait plus de « Rush’s Pills ». La maladie était probablement le résultat du changement d’alimentation, allant d’exclusivement de viande à uniquement de racines et de poissons séchés. Des bactéries sur le saumon peuvent avoir aussi contribué. Ce n’est pas avant le 30 septembre que Clark  rapporta dans son journal que les hommes récupéraient un peu.

Comme les Shoshones, les Nez Percés avaient eu peu de contact avec les blancs. Ils n’avaient qu’un ou deux vieux fusils en mauvais état. Ils étaient constamment harcelés par leurs voisins qui avaient des armes, spécialement les Blackfeet, lorsqu’ils partaient pour leur voyage annuel au-dessus des montagnes vers le pays des bisons.  Selon leur histoire orale, quand ils rencontrèrent Clark et ses six chasseurs, ils envisagèrent de les tuer pour se procurer leurs armes. Ils en furent dissuadés par une femme nommée Watkuweis (signifiant « Revenue d’un pays lointain »). Elle avait été capturée par les Blackfeet six ou sept ans auparavant, amenée au Canada et vendue à un trappeur blanc. Elle vécut avec lui pendant quelques années avant de trouver moyen de revenir chez elle. Les trappeurs la traitèrent beaucoup mieux que les Blackfeet, ainsi lorsque Clark arriva, elle dit aux guerriers, « Les hommes blancs m’ont aidé, ne leur faites pas de mal ».

Pendant la semaine où Lewis fut malade, Clark déménagea le camp à la jonction de la fourche nord et de la fourche du milieu de la rivière Clearwater où il y avait des pins ponderosa suffisamment gros pour construire des canots.  Clark recourut à la méthode indienne pour les fabriquer. Au lieu de tailler les troncs, il les plaça au-dessus d’une tranchée couverte de feux brûlant lentement. Twisted Hair lui montra comment les fabriquer. En dix jours, Clark avait construit 1 petit et 4 grands canots.


Le 6 octobre, les canots étaient terminés. Clark fabriqua une cache pour les selles des chevaux et un contenant de poudre. Les canots furent mis à l’eau et chargés. A 3:00 p.m. l’équipage partait.  Le courant était rapide et il y avait de nombreux rapides. Une fois encore, l’expédition voguait sur l’eau et cette fois-ci dans le sens du courant (en aval), en route vers le Pacifique.

vendredi 27 mai 2016

26 mai - West Glacier National Park (Montana)

Oui, je sais que j’avais écrit que nous quitterions Glacier Park jeudi matin, mais ce n’est pas tout à fait ce qui est arrivé. 

Un dégât d’huile
Une drôle d’odeur venait du coffre du véhicule. Serge le vide et découvre que le contenant d’huile à moteur a perdu son bouchon et s’est déversé dans un bac. Un grand nettoyage s’impose avant de reprendre la route. Malheureusement les jolis tapis pour s’asseoir, que ma sœur Louise m’a fabriqués, sont imbibés d’huile. Je les place dans un grand sac de plastique et je verrai ce que je pourrai faire lorsque nous aurons accès à de l’eau chaude.  Nous sommes toujours dans un camping sans service.  C’est une bonne leçon, dorénavant tous les contenants de liquide devront être placés dans des sacs de plastique.

En partant, nous nous arrêtons à nouveau au Centre des visiteurs afin de vérifier s’il y a du changement au sujet de la route inondée. Bonne nouvelle! Elle est rouverte sur 17 kilomètres, jusqu’à Avalance Creek au nord du lac McDonald. Nous reprenons donc la route Going-to-the-Sun en suivant la procession de voitures. Quelques kilomètres plus loin, nous voyons la chute d’eau descendant de la montagne qui déferle sur la route et les travailleurs qui s’affairent à réparer les dégâts. 

La chute près de la route qui causa l'inndation
Le lac McDonald et ses montagnes enneigées
Nous nous arrêtons au McDonald Lodge sur le bord du lac du même nom, qui nous séduit par son aspect rustique, en harmonie avec la nature. C’est le genre d’endroit où il fait bon prendre des vacances. Nous faisons le tour à l’extérieur, puis à l’intérieur et vérifions le menu pour le midi. Hum! Il y a du Wapiti Burger. C’est décidé, au retour de notre ballade, nous viendrons luncher ici. 
 
McDonald Lodge
Serge ne veut plus partir
Autour de McDonald Lodge 

A l'intérieur de McDonald Lodge
Pour se mettre en appétit, nous allons marcher au bout de la route, entre deux averses, dans le Sentier des Cèdres. Ce n’est pas très long mais quel paysage. 30 minutes plus tard, nous sommes de retour à la voiture. 

Le long de Trail of the Cedars




Au restaurant, Serge prend le Wapiti burger et moi la salade du chef et j’ai droit à goûter au fameux burger.
Ça a un goût de viande sauvage et c’est très bon; ça fait différent du bœuf.  (Le burger était déjà avalé quand j’ai pensé à prendre une photo)

Nous reprenons la route pour sortir du parc, puis nous nous rendons au West Shore State Park le long du lac Flathead. C’est un beau camping qui attend son lot de campeurs demain vendredi. Nous sommes chanceux de trouver un site pour cette nuit. Nous avons l’électricité mais il n’y a pas de douche ni de « dump station » et les toilettes sont sèchent. C'est un peu cher pour peu de services ($34). Si vous saviez comme nous avons hâte de prendre une douche; c’est notre 3e journée dans des campings sans douches. 

Au moins, les fleurs sont belles à West Shore State Park

Aujourd’hui, il n’y aura pas de récit sur le voyage de Lewis et Clark. Nous le reprendrons demain lorsqu’ils entameront leur descente des « Bitterroot Mountains ».

jeudi 26 mai 2016

24, 25 mai – Glacier National Park (Montana)

Mardi, avant de quitter Great Falls, nous nous rendons au « Lewis & Clark Interpretive Center » sur le bord de la rivière Missouri.  S’il y a un centre d’interprétation à visiter, c’est bien celui-là.  Il relate les 26 mois de l’Expédition avec beaucoup d’artefacts et la présentation de deux films.  Nous avons assisté au film « Portage at Great Falls » et l’avons même acheté, tellement il est bien fait.

En lisant le livre « Undounted Courage », je me suis souvent demandée comment ils avaient fait pour mesurer les distances car ils étaient très précis dans leur récit. J’ai finalement appris qu’ils utilisaient une chaîne d’arpenteur de 33 pieds de long, appelée « Two Pole ». 160 fois la chaîne de 33 pieds équivalait à un mille. 

La chaîne d'arpenteur de Lewis 
Et que dire du transport des canots et de tout le matériel dans le portage de 18 milles le long des cinq chutes du Missouri!  N’oublions pas qu’ils utilisaient des canots creusés dans des troncs d’arbres et qu’ils avaient fabriqué des roues en bois pour les monter à bout de bras. On peut comprendre pourquoi Lewis a tant voulu acheter un canot côtier, fabriqué par les indiens chinooks sur les côtes du Pacifique, pour son voyage de retour.  

Le canot des chinooks
Nous ne pouvions pas quitter la ville de Great Falls sans aller voir la plus grosse chute, plus à l’est, du côté nord de la rivière. En regardant les murs de rochers de chaque côté de la rivière, nous imaginions ces hommes suant et forçant pour accomplir la difficile tâche du portage des cinq chutes qui dura deux semaines. 

Une des cinq chutes

Les Grandes Chutes
Après un arrêt au Walmart pour faire des provisions pour les trois prochaines journées, nous prenons la route pour nous rendre à Glacier National Park, près de la frontière canadienne en Alberta.  La cime des montagnes est encore enneigée et les rangers nous confirment que la route Going-to-the-Sun qui traverse le parc d’est en ouest est encore fermée à Logan Pass. Mercredi nous ferons donc le détour de 162 milles par la route 2 qui contourne le parc. Nous nous installons pour la nuit au St. Mary Campground, un très beau camping primitif au début du parc.  Glacier Park porte bien son nom, les nuits sont froides. Nous dormons le toit du véhicule baissé et la chaufferette à essence du véhicule nous tient au chaud. Même petit, Oscar nous sert bien, autant pour préparer les repas que pour dormir et nous divertir. En soirée, nous avons écouté la première émission de « Déjà dimanche ». J’ai pitié  pour les jeunes autour de nous qui campent sous la tente, cuisinent et mangent dehors. Pas surprenant qu’ils portent des manteaux d’hiver et des tuques.

Mercredi matin, nous reprenons la route Going-to-the-Sun vers l’ouest, pendant 21 kilomètres, jusqu’à ce qu’une barrière nous indique que la route est fermée à  Jackson Glacier Overlook. Mais ce court trajet valait la peine d’être fait, tellement les paysages sont grandioses. Sur la route, nous rencontrons un groupe de mennonites originaires de l’Indiana.  L’une d’elles est née à St. Jacobs en Ontario, là où une grande communauté de mennonites vivent. 

Going-to-the-Sun Road

A Jackson Glacier Overlook

Les Mennonites à Glacier National Park

La photographe protographiée
Puis, nous sortons du parc et le contournons par le sud. Sur la carte routière, la route 49 semble plus courte mais assez sinueuse, alors nous la prenons. Pour être sinueuse, elle l’est, et en plus, accrochée au flanc des montagnes. Et j’ai eu peur, suppliant Serge d’aller moins vite et lui, répétant qu’il n’allait pas vite. Vers 14h00, nous arrivons à l’entrée de West Glacier avec l’intention d’aller nous installer au camping Fish Creek, puis de reprendre la route  Going-to-the Sun qui longe le magnifique lac McDonald vers le nord-est, jusqu’à ce qu’une barrière nous indique que la route est fermée. Vite nous déchantons car le ranger nous apprend que la route est inondée quelques kilomètres plus loin et qu’en plus le camping Fish Creek est encore fermé. Seulement le camping à Apgar Village est ouvert. Nous nous y installons puis nous nous rendons à pied au village où c’est bien tranquille. Les canots, les kayaks et vélos attendent bien sagement les visiteurs qui devraient affluer en fin de semaine pour le long congé du Memorial Day. De retour au camping, nous profitons du temps doux et du soleil à ne rien faire, sauf regarder les petits chevreuils qui viennent brouter tout autour, trouvant notre herbe bien savoureuse.  Nous écourterons notre séjour à Glacier National Park et repartirons jeudi matin. 

Sur le bord du lac McDonald

Un visiteur au camping
A la recherche des Shoshones 15 juillet au 12 août 1805
Les capitaines avaient hâte de rencontrer les Shoshones. Les moustiques étaient une vraie plaie et les petits cactus-poires toujours aussi douloureux pour les pieds, mais les deux dernières semaines de juillet procurèrent à Lewis beaucoup de joie. Il était émerveillé par tout ce qu’il voyait, les nouveaux oiseaux et animaux ainsi que les montagnes et les vallées de l’ouest.  La plupart du temps, il marchait le long de la rive avec deux soldats, en partie pour alléger les canots mais surtout parce qu’il aimait marcher dans ce nouveau pays.  Il trouvait même moyen de dire quelques choses de bien au sujet des cactus-poires qui étaient maintenant en pleine floraison et d’une grande beauté.

En vue de leurs rencontres avec les Shoshones, les capitaines décidèrent que l’un deux partirait à pied avec un groupe d’hommes à leur recherche, afin d’être en avance sur les canots. Ils craignaient que le bruit des fusils des chasseurs apeure les indiens qui croiraient qu’il s’agit de leurs ennemis les Blackfeet. Le matin du 19 juillet, Clark partit à pied tandis que Lewis conduisit les canots sur la rivière. Les canots avançaient difficilement en utilisant les cordes pour les tirer, les bâtons ou les rames. De plus, il faisait une chaleur suffocante entre les falaises d’une hauteur de 1200 pieds de chaque côté de la rivière.

Un matin, comme la flottille ramait pour sortir d’un canyon, une colonne de fumée apparut dans le ciel, suffisamment grosse pour avoir été allumée délibérément.  Sûrement qu’un indien Shoshone avait entendu un coup de feu des chasseurs et avait mis le feu à l’herbe pour avertir les autres membres de sa tribu.  Le lendemain, la flottille entra dans une magnifique et immense plaine de 10 à 12 milles de large, bordée de chaque côté par de hautes montagnes.  Ils étaient près de Last Chance Gulch, aujourd’hui à Helena au Montana.

Le 22 juillet, comme les montagnes commencèrent à se rapprocher, Sacagawea reconnut cette section de la rivière. Elle était venue là quand elle était enfant; c’était l’endroit où les Shoshones vivaient durant l’été.  En fin d’après-midi, la flottille rejoignit Clark qui avait établi son camp à la droite de la rivière. Il n’avait trouvé aucun indien mais il avait vu des signes qu’ils étaient présents. Pour leur signifier qu’ils n’étaient pas des ennemis, il avait laissé des présents sur place.  Le plus inquiétant était la condition physique de Clark. Ses pieds étaient à la chair vive, déchirés par les cactus-poires. Après avoir pris une journée de repos, Clark insista pour repartir à pied avec quatre hommes pour une autre journée à chercher les Shoshones. Sacagawea avait enseigné quelques mots Shoshone à Clark, dont « tab-ba-bone » qui voulait dire approximativement « homme blanc ».  En vérité, les Shoshones n’avaient aucun mot pour « homme blanc », n’en ayant jamais rencontré. Ce mot pouvait dire « étranger ». Pourquoi ni Clark ni Lewis ne demandèrent-ils pas à Sacagawea de les accompagner dans leurs recherches ? Ils croyaient probablement qu’ils avaient besoin d’elle seulement en qualité d’interprète pour négocier l’achat de chevaux et non pour établir le contact. Si c’est le cas, ils ont fait preuve de chauvinisme au lieu d’utiliser leur bon sens.

Clark repartit le matin suivant, toujours à la recherche des indiens. Les conditions sur la rivière étaient difficiles et les hommes se plaignaient d’être très fatigués et de leur labeur extrême.  Le 27 juillet, alors que les hommes avançaient lentement, en raison du courant rapide, malgré leurs efforts extrêmes, ils commencèrent à ralentir ayant atteint leurs limites physiques.  Heureusement, la bonne fortune leur souriait. Juste dans un tournant de la rivière, ils arrivèrent à la jonction d’une rivière, puis un quart de mille plus loin, à la jonction de deux autres rivières. C’était les « Three Forks «  du Missouri.  La flottille mit pied à terre et pendant que les hommes se reposaient, Lewis grimpa sur une haute falaise du haut de laquelle il avait une vue spectaculaire sur toute la région.  Encore aujourd’hui, si on se tient au même endroit, on a une vue superbe malgré l’intrusion des autoroutes 90 et 287 et on voit la petite ville de Three Forks quelques milles plus loin.

Après déjeuner, la flottille continua en amont jusqu’à la jonction de la fourche du milieu et celle du sud-ouest.  Lewis trouva une note de Clark fixé à un arbre lui disant de suivre la fourche allant vers le sud-ouest et qu’il le rejoindrait à cette jonction s’il ne trouvait pas les indiens. Clark revint au camp vers 3 :00 p.m.  Il était extrêmement malade et complètement épuisé.  Il avait été malade toute la nuit avec une forte fièvre, des frissons et des douleurs musculaires constantes.  Les capitaines commençaient à désespérer de trouver les Shoshones car sans les chevaux des indiens et leurs informations, l’expédition devrait rebrousser chemin et retourner à St. Louis.  L’expédition passa deux jours à Three Forks, les hommes fabriquant des vêtements et chassant, pendant que Lewis procédait à des observations astronomiques et que Clark récupérait.  Sacagawea informa les capitaines que le camp était à l’endroit précis où les Shoshones avaient campé cinq ans plus tôt et avaient été attaqués par les Hidatsas.

Au cours de la semaine suivante, ce fut au tour de Lewis et ses hommes de marcher devant les canots.  Ils arrivèrent à la jonction des rivières Wisdom et Jefferson. Laquelle prendre ? Lewis choisit la Jefferson. Il laissa une note à Clark lui disant de prendre la Jefferson avec les canots s’il arrivait à la jonction avant le retour de Lewis parti pour deux jours.

 Deux jours plus tard, le 6 août, Lewis revint au point de rencontre sans nouvelles des Shoshones. Il entendit le bruit de canots venant de la gauche.  Il trouva Clark et les canots sur la rivière Wisdom. Ils étaient dans un état pitoyable. Un canot avait renversé et tous les bagages étaient mouillés, incluant la boîte de médicaments. Deux autres canots étaient remplis d’eau.  Pourquoi Clark était-il allé sur la Wisdom ? N’avait-il pas vu la note de Lewis? Et bien, non.  Il est possible qu’un castor passant par-là ait coupé l’arbre, emportant la note avec lui. La journée fut consacrée à examiner, sécher et réarranger les provisions. 

Une autre inquiétude, Clark avait envoyé le soldat Shannon à la chasse et il n’était toujours pas de retour. Le 7 août, les capitaines décidèrent de laisser un canot dans une cache étant donné la diminution des provisions. L’équipage était devenu un hôpital mobile. Clark avait développé une tumeur sur sa cheville qui était enflée et douloureuse, Gass, Charbonneau et cinq autres hommes souffraient de différentes indispositions.  Mais cet après-midi-là, Sacagawea leur redonna de l’espoir.  Elle reconnut une haute plaine qui n’était pas très loin de la retraite d’été de sa nation sur une rivière au-delà des montagnes à l’ouest. Les Shoshones appelaient cet endroit « Beaver’s Head » à cause de sa forme. Elle les assura qu’ils trouveraient son peuple sur la rivière ou tout près. 

Lewis partit à pied avec quelques hommes pour localiser les indiens.  Le matin du 9 août, Shannon revint au camp de Lewis avec trois peaux de cerfs et une bonne histoire à raconter. Pendant deux jours, Lewis et ses hommes suivirent un vieux chemin indien qui ne les mena nulle part.  Lewis réunit ses hommes et leur expliqua son plan. Drouillard partirait vers la droite, Shields vers la gauche et McNeal resterait avec lui. Si Drouillard ou Shields trouvait le chemin des indiens, il placerait son chapeau au bout de son fusil et le tiendrait en l’air.  Ils marchèrent pendant cinq milles. Aucun signe des indiens. Soudain Lewis plissa des yeux, regarda encore, sortit sa longue vue et vit, sans l’ombre d’un doute, un indien sur un cheval noir à deux milles de distance, venant vers eux. Son costume était celui des Shoshones. Lewis avança à son pas habituel. L’indien continua à avancer mais quand ils étaient à un mille de distance, il s’arrêta.  Lewis fit de même et Lewis sortit une couverture de son sac à dos et l’étendit sur le sol, en signe d’amitié. L’indien restait sur sa position en jetant un coup d’œil à droite et à gauche. Lewis comprit qu’il regardait Drouillard et Shields avec suspicion. Bien sûr qu’il était soupçonneux; l’indien était probablement un adolescent envoyé comme éclaireur, curieux au sujet de ces étrangers mais prudent. Lewis sortit les maigres produits d’échanges qu’il avait apportés avec lui, laissa son fusil à McNeal et avança vers l’indien.  Le jeune garçon descendit de son cheval, et demeura aux aguets jusqu’à ce que Lewis soit à 200 verges de lui. A ce moment, l’indien remonta à cheval et commença à s’éloigner lentement. Désespéré, Lewis cria « tab-ba-bone » à plusieurs reprises. Au lieu de répondre à Lewis, l’indien continuait à surveiller Drouillard et Shields qui avançaient. Lewis était furieux contre eux et leur fit signe de s’arrêter. Drouillard le vit et s’arrêta mais Shields ne le vit pas et continua à avancer. A 150 verges, Lewis répéta « tab-ba-bone », et porta au bout de ses bras les cadeaux pour l’échange. A 100 verges de distance, le jeune indien tourna son cheval et partit au gallot. Lewis était mortifié et désappointé et blâmait Shields pour cet échec.

Le matin du 12 août, en suivant un large ruisseau, ils grimpèrent vers un col qui les mena au sommet d’une haute montagne.  Ils étaient les premiers Américains à apercevoir le grand empire de l’Idaho et découvrirent ses immenses chaînes de montagnes aux toits enneigés. C’était la chaîne des Bitterroots des Montagnes Rocheuses.  Lewis était loin dans le territoire indien avec seulement trois hommes et à quatre à cinq jours de marche du reste de l’Expédition. Un jeune indien était retourné dans sa tribu rapporté que des étrangers étaient dans la région. Lewis avait vécu suffisamment d’expérience en une seule journée. Maintenant, il avait besoin d’une bonne nuit de sommeil et beaucoup de chance pour le lendemain matin.

Au-delà de la ligne continentale, 13 au 31 août 1805
Au matin du 13 août, Lewis partit très tôt vers l’ouest, sur un sentier récemment utilisé par les indiens qui descendait dans une vallée.  Neuf milles plus loin, Lewis vit deux femmes indiennes, un homme et quelques chiens. Quand ils furent à un mille d’eux, Lewis ordonna à Drouillard et aux deux soldats de s’arrêter, d’enlever leurs sacs à dos et leurs fusils et de les déposer sur le sol. Il déroula un drapeau et avança seul vers les indiens.  Les femmes se sauvèrent mais l’homme resta sur place jusqu’à ce que Lewis soit à une centaine de verges de distance.  Lewis cria « tab-ba-bone » à plusieurs reprises... L’homme prit la fuite.  

Lewis continua à marcher avec ses hommes et à moins d’un mille de là, ils rencontrèrent trois femmes indiennes.  Au premier abord, Lewis déposa son fusil et avança vers le groupe. L’adolescente s’enfuit en courant mais la vieille femme et l’enfant restèrent. Ne voyant aucune chance de s’échapper, elles s’assirent sur le sol et gardèrent leurs têtes baissées, résignées à mourir.  Lewis s’approcha et prit la vieille femme par la main, l’aida à se relever et dit « tab-ba-bone ». Il lui montra sa peau blanche sous la manche de sa chemise. Drouillard et les soldats se joignirent à eux et sortirent des cadeaux de leurs sacs. La couleur de sa peau, les cadeaux et son attitude amicale suffirent à les calmer.  Lewis leur dit, à travers le langage des signes de Drouillard, qu’il voulait qu’elles les conduisent à leur camp car ils désiraient faire la connaissance des chefs et guerriers de leur tribu.  Elles firent comme Lewis leur avait demandé et ils partirent en suivant les indiennes. 

Au bout de deux milles, la rencontre tant anticipée eut lieu. 60 guerriers, montés sur d’excellents chevaux et armés pour la guerre arrivèrent à toute vitesse. Quand ils virent Lewis et son petit groupe, ils s’arrêtèrent. Lewis posa son fusil à terre, attrapa son drapeau et suivit la vieille femme. Un homme que Lewis supposa être le chef, chevaucha jusqu’à la vieille femme. Elle leur dit qu’ils étaient des hommes blancs et lui montra les cadeaux qu’elle avait reçus. Ceci détendit l’atmosphère et le chef et les guerriers descendirent de leurs chevaux.  Le chef s’avança et dit « ah-hi-e, ah-hi-e », ce qui voulait dire « je suis heureux ». Il mit sons bras gauche sur l’épaule droite de Lewis et appliqua sa joue gauche sur la joue droite de Lewis, tout en continuant à vociférer « ah-hi-e ». Les guerriers et les hommes de Lewis vinrent ensuite et ces derniers furent cajolés et barbouillés de graisse et de peinture jusqu’à ce qu’ils soient fatigués des démonstrations d’affection de la tribu.

La première rencontre entre Shoshones et Américains s’était passée mieux que Lewis avait pu espérer.  Les Shoshones s’attendaient à trouver les Blackfeet et auraient sûrement attaqué sans attendre si ça n’avait été de la vieille femme.   Lewis sortit sa pipe et s’assied, indiquant aux indiens de faire de même. Il l’alluma et la passa  au chef, ensuite il distribua des présents. Lewis apprit que le chef se nommait Cameahwait. Il lui dit que le but de sa visite était amical et que lorsqu’ils atteindraient le camp de sa tribu, il lui expliquerait son expédition plus en détails.  Cameahwait parla à ses guerriers et tous partirent pour le camp. Des jeunes guerriers furent envoyés à l’avance pour informer les autres de préparer leur arrivée. Quand ils atteignirent le camp, sur la rive est de la rivière Lemhi, (environ sept milles au nord de la ville Tendoy en Idaho aujourd’hui), Lewis fut conduit vers un vieux tepee (le seul qui restait à la bande depuis l’attaque des Blackfeet) et s’assit cérémonieusement sur des rameaux verts et des peaux d’antilopes. Il leur expliqua le but de son voyage. Femmes et enfants les entourèrent, désireux de voir ces « Enfants du Grand Esprit ».

Il faisait noir maintenant et Lewis et ses hommes n’avaient pas mangé depuis 24 heures.  Lewis le mentionna à Cameahwait qui lui dit que malheureusement la tribu n’avait rien d’autres que des baies à manger.  Il donna aux hommes blancs quelques gâteaux de petits fruits et de cerises que Lewis qualifia de repas copieux.

Lewis se promena le long de la rivière Lemhi.  Cameahwait lui expliqua qu’à une demi-journée de marche vers le nord, la rivière en rejoignait une autre, deux fois plus large, venant du sud-ouest (aujourd’hui connu comme Salmon River). Il lui dit aussi que le long de cette rivière, il y avait peu d’arbres, qu’elle était confinée entre d’inaccessibles montagnes et qu’il avait été informé qu’il était impossible de se rendre par eau au grand lac où les hommes blancs vivaient (l’océan Pacifique).  Cela confirmait ce que Lewis craignait quand il vit pour la première fois les chaînes Bitterroots du haut du col Lemhi, il n’y avait pas de route entièrement navigable qui traversait le continent. De retour au tepee, un guerrier lui remonta le moral en lui apportant un morceau de saumon fraîchement rôti qu’il savoura. C’était le premier saumon qu’il voyait et cela le convainquit qu’il était bien dans les eaux du Pacifique. 

Lewis devait maintenant laisser le temps à Clark d’atteindre la rivière Jefferson jusqu’à la limite navigable.  Clark progressait seulement de quatre à cinq milles par jour dans cette rivière peu profonde qui n’était pas plus large qu’un ruisseau.  Il envoya Drouillard et les soldats à la chasse. Les indiens leur fournirent des chevaux et quelque vingt jeunes braves les accompagnèrent. Lewis assista avec amusement à une chasse à l’antilope par de jeunes indiens à dos de cheval qui dura deux heures. A leur retour, les chasseurs n’avaient pas tué une seule antilope.

Alors, comment allaient-ils traverser les montagnes ?  C’est par le nord, lui répondit le chef, mais le chemin est vraiment mauvais. Les Nez-Percés, qui traversaient les montagnes chaque année pour aller chasser les bisons à la rivière Missouri, lui avaient dit qu’ils avaient souffert de la faim étant obligés de se nourrir uniquement de petits fruits pendant plusieurs jours. Il n’y avait pas d’animaux dans cette partie des montagnes couvertes d’épaisses forêts et où ils pouvaient à peine passer. Loin de se décourager, Lewis se dit que si des indiens pouvaient traverser ces montagnes avec leurs femmes et enfants, les hommes de l’expédition pouvaient le faire.

Pour convaincre Cameahwait de l’aider avec le portage au-dessus de la ligne continentale et négocier l’achat de chevaux qui pourraient amener l’expédition au-dessus des Bitterroots sur le chemin des Nez-Percés, Lewis lui dit qu’il avait déjà obtenu des Hidatsas la promesse qu’ils n’attaqueraient plus les Shoshones et qu’à leur retour aux États-Unis, les hommes blancs viendraient avec des fusils en abondance et autres articles nécessaires pour leur défense et leur confort.  Cette promesse avait un futur incertain, mais il la fit quand même.

Lewis dit à Cameahwait qu’il voulait que sa tribu traverse le col Lemhi avec lui le lendemain matin, apportant trente chevaux, pour rencontrer Clark et ses hommes à la fourche de la rivière Jefferson et les aider à rapporter le bagage au-dessus du col jusqu’au camp indien où ils resteraient quelques jours pour négocier l’achat des chevaux.  Cameahwait accepta.

Le matin du 15 août, Lewis se réveilla avec une faim de loup. La veille, il n’avait mangé qu’un maigre repas de farine et de baies. Il lui restait deux livres de farine. Il demanda à McNeal de diviser la farine en deux parties et de cuisiner la moitié avec des baies. Les quatre hommes déjeunèrent avec appétit et en donnèrent une bonne partie au chef qui déclara que c’était la meilleure chose qu’il ait goûtée depuis longtemps.

Après le déjeuner, il y eut une crise.  Les guerriers ne voulaient pas bouger malgré les exhortations de leur chef. Ils ne faisaient toujours pas confiance aux hommes blancs, craignant une embuscade d’une tribu ennemie.  Cameahwait monta sur son cheval et dit qu’il espérait qu’au moins quelques guerriers se joindraient à lui pour accompagner les hommes blancs; six guerriers montèrent sur leurs chevaux. Quelques temps après, six autres guerriers et trois femmes se joignirent à eux.

Ils traversèrent le col Lemhi et descendirent à la crique Shoshone où ils campèrent et prirent leur deuxième repas de la journée, utilisant le reste de la farine mélangée avec un peu d’eau bouillante. Les Shoshones, sauf le chef et un guerrier, n’eurent rien à manger ce jour-là.

Le matin suivant, le 16 août, Lewis envoya Drouillard et Shields à la chasse. Quand un éclaireur revint, à bout de souffle, il avait une bonne nouvelle. Drouillard avait tué un cerf. En un instant tous les indiens partirent au galop, ayant peur de manquer une partie du festin. En arrivant sur le lieu, Lewis eut pitié de ces pauvres indiens affamés qui mangeaient voracement les parties crues que Drouillard rejetait, gardant uniquement la viande. Lewis garda un quart de la viande pour lui et ses hommes et donna le reste au chef pour le partager avec son peuple. Ceux-ci ne prirent même pas le temps de partir un feu pour cuire la viande et la dévorèrent telle quelle.

Quand Lewis arriva à la fourche des rivières, il découvrit avec mortification que Clark n’était pas encore arrivé. Comment allait-il convaincre les indiens d’attendre son arrivée ? Désespéré, il donna son fusil à Cameahwait et lui dit que si les Blackfeet étaient autour, il pourrait l’utiliser pour se défendre.  Les guerriers n’étaient pas satisfaits et voulaient repartir trouvant la situation trop dangereuse. Pour retenir les Shoshones, Lewis leur dit que Sacagawea était avec Clark et qu’il y avait aussi un homme noir avec des cheveux courts frisés. Les indiens se montrèrent intéressés de voir une telle curiosité.

Le lendemain matin, un indien rapporta que les hommes blancs arrivaient. Les Shoshones étaient transportés de joie autant que Lewis.  Quand Clark arriva avec Sacagawea et Charbonneau, Cameahwait lui donna l’accolade nationale et décora ses cheveux de coquillages. Au milieu de l’excitation générale, une des femmes Shoshones reconnut Sacagawea. Son nom, Jumping Fish, lui avait été donné le jour où Sacagawea avait été faite prisonnière, parce qu’elle avait sauté à l’eau pour échapper aux Hidatsas.  Les deux adolescentes s’embrassèrent, pleurèrent et parlèrent en même temps. Quand elles furent calmées, ils se rendirent tous au camp pour tenir une conférence. A peine avaient-ils commencé à parler que Sacagawea se mit à dévisager Cameahwait.  Soudainement, elle reconnut son frère. Elle courut vers lui, l’embrassa et jeta sa couverture par-dessus lui en pleurant abondamment. Quel coup de chance c’était !  Aucun romancier n’aurait osé inventer une telle scène.

Quand Sacagawea se remit de ses émotions, le conseil commença. Les capitaines expliquèrent plus en détails ce qui les amenait dans cette partie du pays et qu’ils ne pourraient pas l’accomplir sans l’aide des Shoshones pour les guider jusqu’au sentier des Nez-Percés et sans l’aide de leurs chevaux.  Cameahwait répondit qu’il était prêt à les aider mais qu’il n’avait pas suffisamment de chevaux pour transporter les bagages au-dessus du col Lemhi. Il devait retourner au village et encourager sa tribu à venir les aider. Les capitaines étaient satisfaits et, en vérité, ils n’avaient pas espéré autant de coopération.

Bien que Clark estimait que Cameahwait était un homme sincère et plein de bon sens, il voulait voir par lui-même la route par la rivière Salmon, avant d’accepter la description alarmante de Cameahwait.  Il fut entendu que le matin suivant Clark partirait avec onze hommes transportant des haches et les autres outils nécessaires pour construire des canots. Si Clark trouvait la rivière navigable, il construirait les canots. Pendant ce temps, Lewis conduirait les 18 membres de l’équipe et les bagages jusqu’à la rivière Lemhi. Il pensait que cela leur prendrait une semaine au plus, donnant suffisamment de temps à Clark pour faire sa reconnaissance et déterminer si l’expédition procéderait par terre ou par eau.

Lewis passa six jours au Camp Fortunate. Le 22 août, Cameahwait, Charbonneau, Sacagawea et 50 Shoshones  accompagnés de femmes et d’enfants arrivèrent au camp. Cameahwait demanda qu’ils restent tous  encore une journée pour qu’ainsi une bande d’indiens amis puissent se joindre à eux.  Les Shoshones se réunissaient pour leur excursion annuelle dans les plaines des bisons.

Au matin du 24 août, Lewis était à nouveau en route, cette fois-ci avec 18 de ses hommes, Charbonneau, Sacagawea et Drouillard, neuf chevaux et mules et la bande de Cameahwait. Il donna à Charbonneau quelques articles pour négocier un cheval pour Sacagawea. Il était heureux parce qu’il avait la satisfaction de se retrouver une fois encore avec toute son équipe et ses bagages.

La joie de Lewis ne dura pas longtemps. Le 25 août, quand les chasseurs revinrent de la chasse, Charbonneau lui mentionna que Sacagawea avait entendu Cameahwait dire à quelques jeunes indiens d’informer la bande de le rejoindre le jour suivant, pour qu’ainsi la bande puisse partir pour la rivière Missouri.  Si cela arrivait, Lewis et ses hommes seraient laissés seuls, à mi-chemin du col Lemhi, avec seulement une douzaine de chevaux et sans guides pour se rendre au sentier des Nez-Percés.

Alors, Lewis appela Cameahwait et deux petits chefs pour fumer et parler. Il leur rappela qu’ils avaient promis de l’assister avec les bagages jusqu’à leur camp, ce qu’ils acquiescèrent. Alors, pourquoi se préparaient-ils à l’abandonner pour se rendre au pays des bisons ? Les indiens hochèrent la tête. Cameahwait resta silencieux quelque temps. A la fin, il lui dit qu’il avait eu tort mais qu’il avait été amené à prendre cette mesure à la vue de son peuple si affamé, mais comme il avait promis d’accorder son assistance, il respecterait sa parole. Son peuple mourait de faim. Le pays des bisons était à peine à un jour de marche. Les autres bandes Shoshones rencontraient déjà les villages des Flatheads pour aller à la chasse.

Lewis réalisa que les Shoshones avaient besoin de manger. Dans l’après-midi, le groupe marcha presque jusqu’au col. Les chasseurs rapportèrent un seul cerf. Lewis ordonna de distribuer la viande aux femmes et aux enfants et resta lui-même sans souper.

A l’aube du 26 août, la température était au point de congélation. Durant la marche, au cours de la journée, Lewis vit les femmes indiennes cueillir des racines et nourrir leurs enfants affamés. C’était bouleversant d’assister à cette misère.  En soirée, Lewis, ses hommes et tous leurs bagages arrivèrent au camp de Lemhi River. Le soldat Colter était déjà là avec une lettre de Clark dans laquelle il décrivait la rivière Salmon comme impassable.  Lewis n’était pas surpris. Le lendemain matin, il dit à Cameahwait qu’il voulait acheter 20 autres chevaux.  Le chef lui fit remarquer que son peuple avait perdu un grand nombre de chevaux lors de l’attaque des Blackfeet, mais qu’il verrait ce qu’il pouvait faire. Il lui dit aussi que le vieil homme qui avait traversé une fois les montagnes avec les Nez-Percés accepterait de leur servir de guide.

Les indiens étaient prêts à vendre mais le prix avait augmenté considérablement.  Le 29 août, Clark dut offrir son pistolet, son couteau et une centaine de balles pour un cheval. Finalement, les capitaines achetèrent 29 chevaux mais, les Shoshones se montrèrent de meilleurs commerçants que les Américains. Quand Clark examina les chevaux dans le coral, il découvrit qu’ils souffraient presque tous de maux de dos et plusieurs étaient maigres et jeunes. Les capitaines avaient acheté les pires chevaux du troupeau Shoshone.

Les Shoshones décrits selon Lewis
Si les Shoshones étaient fascinés par les hommes blancs et leur équipement, Lewis n’était pas moins fasciné par eux. Le plus grand changement que l’homme blanc ait apporté à la vie des Shoshones fut l’introduction du cheval, apporté dans le Nouveau Monde par les Espagnols. En deuxième lieu, ce fut les fusils fournis par les Anglais et les français à leurs partenaires de commerce des plaines, les Blackfeet, les Hidatsas et autres. Comme l’a exprimé de façon si émouvante Cameahwait, le commerce des armes avec les ennemis des Shoshones mit son peuple dans une situation terriblement désavantageuse et réglait leur vie. Ils devaient obtenir leur nourriture au péril de leur vie et se retrancher rapidement dans les montagnes.

Physiquement, les Shoshones étaient petits et leur peau était plus foncée que celle des Hidatsas ou les Mandans. Pour ce qui est de leur comportement, malgré leur extrême pauvreté, ils étaient gais, francs, communicatifs, généreux avec le peu qu’ils possédaient et honnêtes. 

Pour ce qui est des relations entre les sexes, l’homme était le seul propriétaire de ses femmes et ses filles. Il pouvait échanger ou disposer de l’une d’elles comme il voulait. La plupart des hommes avaient deux ou trois femmes, habituellement achetées quand elles étaient enfants pour des chevaux ou des mules. A l’âge de 13 ou 14 ans, les filles étaient remises à leur propriétaire et mari.

Sacagawea avait été vendue avant d’être faite prisonnière et son fiancé était encore vivant et membre de la tribu. Il était dans la trentaine et avaient deux autres femmes. Il réclama Sacagawea comme sa femme, mais comme elle avait eu un enfant d’un autre homme, il ne la voulait plus. Lewis nota, avec désapprobation, que les Shoshones traitaient leurs femmes avec peu de respect et les contraignaient à exécuter un grand nombre de corvées, souvent très exigeantes physiquement.   

Leurs costumes de cérémonie étaient des plus élégants que Lewis ait jamais vus.  Leur matériel pour préparer la nourriture était primitif.  Ils n’avaient pas de haches pour couper le bois; ils utilisaient des pierres ou des cornes de cerfs. Leurs ustensiles consistaient en des jarres de terre et des cornes de bisons comme cuillères.

Ce que les Shoshones appréciaient avant tout et dont ils dépendaient absolument était la bravoure de leurs jeunes hommes. L’éducation des enfants était conçue pour produire de braves guerriers. Ils corrigeaient rarement leurs enfants, particulièrement les garçons qui devenaient tôt responsables de leurs propres actes.


En politique, ils ne suivaient pas les aînés mais les hommes les plus braves. Comme la bravoure était la plus grande vertu, aucun homme ne pouvait devenir important parmi les Shoshones s’il n’avait pas à un moment de sa vie fait preuve de bravoure.